samedi 18 juin 2016

Faut-il avoir fait l'ENS pour passer l'agrégation ?

Après avoir écrit un article sur ce qui peut se passer après l'agrégation, voici quelques informations sur les gens qui peuvent rentrer dans une préparation à l'agrégation afin de préparer l'agrégation externe. En effet, la réussite du concours est fortement conditionné par le fait d'avoir pu se préparer au sein d'un centre, en particulier pour les oraux qui sont déterminants.

 Comme toujours, cet article est partiel et reflète mon vécu à l'ENS de Lyon pour la préparation à l'agrégation externe de chimie.



Avoir fait ses études dans une ENS

Oui, forcément, c'est un énorme avantage d'avoir fait l'ENS. En effet, comme l'agrégation fait parti des débouchés spécifiques de ces écoles, les étudiants sont formés dès la L3 sur des sujets importants pour l'agrégation. Comme les notions sont déjà abordées pendant le L3 et l'année de M1, cela permet d'étaler un peu la rudesse de l'année de la préparation. Plus on est préparé ... plus c'est facile. Cependant, si le taux de réussite est beaucoup plus élevé, il n'est pas forcément de 100 % non plus. La réussite à l'agrégation étant tout de même très corrélée aux efforts fournis et à la réussite à l'oral, la composante personnelle reste déterminante. L'ENS est un facteur qui favorise la réussite, mais ça ne fait pas tout le concours est personnel avant tout.

Comme nous avons la possibilité d'accueillir des étudiants par différents canaux (concours depuis les classes prépa, depuis l'université et dossier), il ne faut pas hésiter à vouloir candidater dans les ENS dès la L3 ou le M1, ce sera un bon moyen de booster vos chances de réussite. D'autant plus que même pour les personnes venant des universités, la réussite à l'ENS est tout à fait possible (le début du L3 est souvent difficile, mais nous avons de nombreux exemples d'étudiants issus de l'université qui finissent devant des personnes issues des classes préparatoires, normaliens compris).

Venir d'une école d'ingénieur

À l'ENS de Lyon, nous avons régulièrement des ingénieurs qui arrivent (en particulier depuis chimie Montpellier - ENSCM) et ils ont également un taux de réussite très élevé : en effet, ils ont souvent fait une classe préparatoire et on donc une forte maîtrise de la physique, ce qui est un plus important. De plus, le bachotage et les études sont suffisamment frais pour que retourner dans une atmosphère très studieuse ne leur pose pas trop de problèmes. Et bien évidemment, il y a également des connaissances acquises en école d'ingénieur qui apportent un plus (en chimie organique pour les étudiants de l'ENSCM).

Être passé par une préparation au CAPES (M1 MEEF)

Si vous avez été reçu au CAPES, il faut savoir que vous avez le droit à une année de report pour préparer l'agrégation. Pour en bénéficier, il faut cependant absolument demander l'option « Report de stage » en premier choix lors de votre demande de vœux. Cela implique que si vous loupez l'agrégation après votre année de report, soit vous devez aller enseigner en tant que titulaire du CAPES, soit vous devez démissionner de votre CAPES pour reprendre une deuxième année de préparation à l'agrégation.

Le CAPES reste une antichambre pour la préparation à l'agrégation. Même si les modalités d'évaluation ont changé ces dernières années, la préparation au concours demande plusieurs qualités importantes pour la préparation à l'agrégation :
  • Des connaissances en chimie et en physique : elles sont moins poussées que pour l'agrégation mais forment le socle de ce qui est exigé à l'agrégation. Une bonne maîtrise des notions exigées pour l'agrégation est indispensable pour pouvoir réussir à l'agrégation.
  • Une maîtrise en physique ET en chimie : à l'agrégation, c'est un triptyque : chimie générale, chimie organique et physique. La physique compte environ pour un tiers de la réussite et il est donc important de maîtriser les connaissances associées. Je recommande d'ailleurs souvent de préparer la physique avec les écrits du CAPES dans leur ancienne version (pré 2013). En effet, les écrits en physique ne sont pas si différents que ça de ceux de l'agrégation.
  • Une maîtrise de l'oral : l'admission se juge après des épreuves orales et compte plus que les écrits. Il faut donc absolument être à l'aise à l'oral. Pour cela, la préparation au CAPES est également très importante car elle permet de se familiariser avec l'exercice qui peut être difficile pour certains.
  • La pédagogie, les préparations à l'agrégation ne donnent pas forcément de cours spécifiques sur ce sujet (même s'ils arrivent dans notre nouvelle mouture de Master). Une préparation au CAPES permet donc d'avoir des notions sur le sujet, ce qui ne peut pas nuire pour un concours d'enseignement.

 Après une thèse, des ATER, un post-doc, des vacations

Il y a une forte augmentation de ce type de candidats ces dernières années. Ce type de candidatures a toujours existé, mais avec la concurrence qui devient exponentielle au CNRS et pour les post de maître de conférences, l'agrégation est une voie de reconversion de plus en plus envisagée. Nous accueillons également des doctorants qui se rendent compte que la recherche n'est pas faite pour eux ou qui ont goûté avec plaisir aux enseignements avec un monitorat. Bref, ce sont généralement des personnes qui viennent avec un vrai objectif et donc une motivation de fer. Hors ce critère tout aussi important que la maîtrise scientifique car l'année de la préparation est difficile et la motivation est déterminante pour aller jusqu'au bout.

De plus, la thèse est autant un avantage qu'un inconvénient : les méthodes de travail, présentation orales font partie des compétences fortement développées. Cela permet d'apporter forcément une expertise sur un domaine de la chimie. Avec un peu de chance, si l'oral tombe sur le bon sujet, cela peut être le jackpot. Cependant, cette expertise à son double tranchant : l'agrégation demande au contraire d'être bon partout et donc plutôt généraliste. Il faut donc réapprendre des domaines qui peuvent avoir été abandonnés depuis plusieurs années (en particulier la physique).

Retourner à une ambiance très scolaire comme la préparation à l'agrégation peut également être difficile après des années de thèses où il y a beaucoup plus de liberté. D'autant plus que les écarts d'âges peuvent commencer à se faire sentir : entre des étudiants fraîchement issus de l'ENS et des gens qui ont une thèse voire plus, la vision des choses est différente. Cette différence de maturité se retrouve en physique-chimie : la thèse est également l'occasion d'acquérir du recul qui est une qualité essentielle et très difficile à inculquer. Hors justement, en thèse, les nombreux séminaires et colloques permettent de voir des aspects variés de la chimie.

Un parcours universitaire

Bien que sous-représentée, cette catégorie est tout à fait capable de réussir. Par contre, les gens ayant un cursus avec de la physique et de la chimie sont encore une fois favorisés. C'est la préparation de Strasbourg qui est le meilleur exemple de ce type de profil. En effet, tous les ans, il y a des personnes qui réussissent le concours et qui viennent de Strasbourg avec un parcours le plus souvent uniquement universitaire. Pas d'auto-censure : toute formation en physique-chimie peut vous permettre de candidater dans une préparation et réussir au concours. Et les étudiants issus de la faculté ont des capacités d'autonomie et de travail qui sont généralement très développées. En général, ils ont aussi une bonne connaissance des livres en physique chimie, ce qui est très important pour préparer les oraux.

En reconversion depuis le privé

Là aussi, nous avons eu plusieurs exemples de personnes qui souhaitent quitter leur emploi et qui entament une reconversion  professionnelle. Tout comme les personnes ayant une thèse, les exemples que nous avons eu avaient une motivation de fer. Nous avons ainsi eu des exemples qui ont brillamment réussi (dans le top 5).

Cependant, comme pour les personnes ayant eu une thèse, les connaissances en physique et en chimie ont généralement décliné. Il faut donc nécessairement commencer à réactiver les connaissances avant l'année de la préparation. Et là encore, ces personnes ont un recul de par leur expérience et leur âge qui leur sera très profitable pour préparer le concours.

Conclusion

Pour répondre au titre de l'article : NON, il n'est absolument pas indispensable d'avoir fait ses études à l'ENS pour pouvoir réussir à l'agrégation ou être pris dans une préparation.

Après un bref panorama des personnes que nous accueillons dans notre préparation, il faut être conscient que toutes les études en physique-chimie permettent de pouvoir préparer l'agrégation au sein d'un centre. Chaque voie à ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est avant tout déterminant est d'arriver avec une forte motivation et des connaissances solides en physique, chimie générale et chimie organique. Il est possible de combler des lacunes dans un de ces trois domaines, mais à partir de deux domaines où vous êtes en difficulté, ça devient beaucoup plus difficile. En tout cas, il ne faut pas se censurer pour candidater dans les centres de préparation. Chaque année, les différents centres ont des places qui sont non pourvues. Si vous vous posez des questions sur les débouchés de l'agrégation ou l'intérêt de passer l'agrégation plutôt que le Capes, vous pouvez aller consulter les articles correspondants.




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