samedi 1 décembre 2012

Passer l'agrégation plutôt que le CAPES, encore une question d'actualité ?

En ces périodes de réforme éducative et de problèmes d'effectifs, la position du concours de l'agrégation face au CAPES se pose. Étant titulaire de l'agrégation de chimie, je vais plus parler de cette agrégation en particulier.

L'agrégation : un concours dépassé ?

L'institution de l'agrégation est plutôt âgée, en effet le concours est plus que séculaire. Si l'aura du concours attire toujours des étudiants pour passer ce concours prestigieux, la différence entre la réalité du métier est la façon dont il est perçu est significative.

Le nombre de places a fortement diminué : une trentaine de places à l'agrégation de chimie. Du coup, seuls les étudiants de quelques préparations très spécialisées et de bon niveau se partagent le gâteau (80 à 90% minimum des étudiants proviennent du trio ENS Lyon/ENS Cachan/université de Strasbourg).  Les miettes restantes sont laissées aux personnes préparant le concours à l'ENS Ulm, l'université de Lille, Toulouse et quelques autres rares exceptions. Par conséquent, statistiquement, le lieu ou vous préparez le concours conditionne très fortement votre chance de réussite. Bien sûr, il y a toujours des gens n'étant pas passés par ces établissements qui réussissent, mais ce ne sont que des exceptions qui confirment la règle. Le concours devient ainsi très fortement endogène avec des profils stéréotypés avec des gens qui ont le plus souvent fait le parcours classe prépa, normalien/auditeur, agrégé (j'en fais partie). Les ENS ouvrent leur portes pour les années de préparation à l'agrégation, ce qui permet tout de même une ouverture aux ingénieurs ou aux personnes issues des universités.

De plus, le très faible nombre de candidats augmente le facteur chance aux oraux. Bien évidemment, la sélection effectuée par le jury est objective et juste en fonction de ce qui lui est présenté, mais le fait de tomber sur une leçon que vous aimé ou que vous avez bien préparé peut directement apporter quelques points qui font toute la différence entre le fait d'être admis ou recalé. 

Aller au delà des idées reçues sur le mouvement spécifique

Une fois le diplôme obtenu, un agrégé est-il destiné à enseigner en prépa ? En chimie, la réponse est NON. Contrairement aux légendes universitaires, les agrégés n'ont pas une place réservée en prépa, bien au contraire. Après avoir ouvert des prépas un peu partout en France, l'État est en train de fermer de nombreuses prépas considérées comme trop petites. Ainsi, à la sortie du concours, seulement quelques (rares) postes sont proposés à quelques personnes triées sur le volet dans le top 5 du concours. Pour ceux qui ont décidé de faire une thèse après avoir réussi le concours, c'est à peu près la même chose : il y a seulement quelques postes proposés.


En BTS et autres spécialités, les choses ne sont pas très différentes.  Le jury peut juste aller chercher plus loin dans la liste pour trouver des candidats au profil spécifique correspondant.

La réduction du nombre de postes au concours est donc logique. Mais comme il y a surplus de professeurs de physique-chimie dans beaucoup d'académies, il n'est pas rare que les titulaires du CAPES ou de l'agrégation soient envoyés enseigner des mathématiques. La chute du piédestal peut être rude.

Le mouvement normal


La situation étant bloquée pour le mouvement spécifique, il y a donc un nombre grandissant d'agrégés qui finissent au lycée, en collège ou remplaçants (TZR). Pour ceux-là, leur position face à des certifiés est alors difficile à défendre. En effet, un salaire plus élevé et moins d'heures pour le même métier, cela vous choque ? On a alors deux classes de professeurs qui s'affrontent sans rien avoir demandé. En effet, lorsque l'on a un service de 15h au lieu de 18, on peut être facilement repéré. Cette différence peut sembler d'autant plus injuste que maintenant les deux concours se passent au niveau MASTER 2.

De plus, une fois dans le système classique de mutation de postes dans le secondaire, les agrégés sont traités sur un pied de (presque) égalité avec les certifiés. En effet, pour les mutations inter-académiques, les critères de points sont identiques et sont plus basés sur l'ancienneté et la situation familiale que sur des critères « carriéristes ». La différence peut ensuite se faire avec certaines académies qui accordent quelques bonus aux agrégés pour leur attribuer des postes en lycée.

Le différentiel de points entre agrégés et certifiés peut être de quasi-nul (à Lyon par exemple) à très élevé (à Lille ou dans la région parisienne par exemple). Il faut donc faire attention à son choix de localisation pour savoir si on peut rentabiliser sa « différence ».

Il y a alors deux stratégies qui s'affrontent :
  • Aller en région parisienne (ou l'académie d'Amiens) pour avoir un poste qui est souvent intéressant (titulaire en lycée, avec des classes à concours) pour ceux qui ont peu de points (pas de rapprochement de conjoint et/ou pas d'enfant)
  •  Ceux qui peuvent rester en province au mouvement inter-académique après leur année de titularisation mais au risque de rester plusieurs années remplaçant (entre 6 et 7 ans dans l'académie de Lyon)
Quant au mythe du professeur agrégé qui n'est pas au collège, il faut être prudent, les TZR (remplaçants) n'ont pas de niveau attribué donc rien ne les empêche d'aller donner des cours au collège ou d'être rattachés à un collège.

Tout n'est donc pas rose au pays de l'agrégation. Pourtant, la différence reste..

L'agrégation : un concours plein d'avenir ?

Pour ceux qui veulent tout de même enseigner dans le supérieur, il existe une troisième voie : le statut de PRAG. En effet, un PRAG est un professeur l'université qui ne fait que de l'enseignement (384 heures annuelles). C'est donc une opportunité pour les agrégés d'enseigner dans le supérieur. Le recrutement étant sur concours, il n'y a pas de point ni d'ancienneté qui compte, mais une concurrence  directe face à d'autres agrégés. En prime, vue que la voie n'est pas très connue, peu de personnes se présentent sur les postes, ce qui permet d'avoir de bonnes chances d'être reçu. Le seul hic, il faut bien qu'il y en ait un, c'est que le salaire n'est clairement pas le même qu'en prépa (ou même en lycée). Pourquoi ? Il manque les primes qui peuvent être très intéressantes financièrement (heures de colles, primes ou heure supplémentaires annuelles). Cependant, les universités étant dans de grandes villes, rien n'empêche d'essayer d'obtenir quelques heures de colle dans la prépa d'à côté. Le statut de PRAG à l'université n'étant pas forcément bien reconnu, on peut avoir beaucoup de TD et de TP pour peu de cours. L'avancement se fait également essentiellement à l'ancienneté, déjà que les gens « dans le système » se font peu inspecter, à l'université, la carrière avance en général encore plus lentement. Ce qui fait qu'en fin de carrière, il peut y avoir une différence assez notable même avec un autre agrégé enseignant au lycée ... en défaveur du PRAG.

Cependant, les enseignements à la faculté sont plus variés, sur une carrière complète, il est plus facile de diversifier ses enseignements qu'en prépa. En effet, en prépa, les programmes bougent peu et les changements de classe ont lieu peu de fois en cours de carrière. À l'inverse, au sein des universités, il est plus facile de trouver un cours vacant. De plus, comme il n'y a pas de programme, il est plus facile d'imprimer un ton personnel sur son cours.

Pour finir, le statut de PRAG permet de directement atterrir dans une « grande » ville. À l'inverse du chemin classique des enseignants au collège lycée qui souvent commencent loin de la ville principale de l'académie et qui se rapprochent au fur et à mesure de leur ancienneté.

Au delà de l'intérêt pour les agrégés eux-mêmes, il me semble que l'état aurait tout à gagner de mettre en place plus d'agrégés à l'université : ils coûtent moins cher qu'un maître de conférence car ils ne font pas de recherche et sont enclins à pouvoir faire du travail administratif qui est extrêmement lourd pour les maîtres de conférence. À titre personnel, je pense qu'il serait préférable d'avoir 3 maîtres de conférence et 1 PRAG (pour 768 h d'enseignement) avec des maîtres de conférence à 128 h (2/3 du service actuel) et un PRAG à 384 h. Les maîtres de conférences auraient une part d'enseignement allégée, ce qui leur permettrait de mieux faire leur travail de recherche. Cela voudrait tout de même dire une "demi-part" de recherche en moins, cela pourrait être contrebalancé en redistribuant cette part recherche (en termes budgétaires) sur les 3 maîtres de conférence restants -- c'est une vision pragmatique ou utopiste vu le manque de moyens de l'université, mais bon... De plus, cela pourrait permettre d'augmenter l'efficience de l'enseignement et pourrait éviter des échecs en début d'orientation à la faculté avec des gens entièrement consacrés à l'enseignement.

De plus, la qualité des enseignements ne serait pas affectée, car les maîtres de conférence sont aujourd'hui recrutés et notés uniquement sur leur partie recherche. Tous ne s'y consacrent donc pas forcément à plein temps (ce qui ne veut pas dire qu'ils le font mal). Ceci dit, limiter les cours donnés par des agrégés à des cours de licence serait relativement juste pour laisser les points plus techniques et spécifiques à des maîtres de conférence à priori plus en pointe dans le domaine.

Conclusion

Pour élargir le champ d'action des agrégés, pour lequel aujourd'hui l'enseignement en classe préparatoire est devenu marginal, il pourrait être bon d'ouvrir les universités à ces personnes pour pouvoir d'une part alléger la charge administrative des maîtres de conférence tout en contrôlant le budget. L'existence même du concours (re?)prendrait alors tout son sens face au CAPES avec des professeurs ayant des missions plus distinctes sans forcer les plans de carrière ni empêcher des passerelles entre enseignement supérieur et secondaire.

Si vous êtes intéressés par les différents débouchés possibles après l'agrégation, vous pouvez également lire mon article intitulé "Les débouchés après l'agrégation, une petite vision des différentes options". Et si vous souhaitez passer le cap et candidater dans une préparation, vous pouvez lire mon article "Faut-il avoir fait l'ENS pour passer l'agrégation ?".